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Prendre en charge un patient avec une maladie hémorragique

Vous prenez en charge un patient atteint d’une maladie hémorragique pour un problème de santé. Comment la maladie hémorragique va modifier votre prise en charge ? Quels sont les réflexes à avoir, les gestes à éviter, les principes de base valables pour tout patient à risque hémorragique ? Quels sont les recours et les outils qui peuvent vous guider.

Contacter un centre spécialisé dans la prise en charge des Maladies Hémorragiques Constitutionnelles

Les patients atteints d’hémophilie ou autres déficits en protéines de la coagulation sont habituellement suivis au sein de centres spécialisés dans la prise en charge des maladies hémorragiques. Vous trouverez les coordonnées du médecin/centre assurant leur suivi sur leur carte d’urgence. Les coordonnées des centres spécialisés proches de vous, sont également disponibles sur la page « Trouver un centre près de chez moi ». En cas d’urgence, un spécialiste est joignable par téléphone 24h/24.

Vous devez contacter un centre spécialisé notamment devant 4 situations :

Saignement avéré ou suspecté (douleur, anémie…)
Traumatisme
Avant tout geste invasif, traumatique ou chirurgie afin d’établir un protocole de soin.
Femme enceinte ayant des antécédents personnels ou familiaux d’hémophilie ou autre déficit en protéine de la coagulation.

Mais vous pouvez également prendre contact avec le centre pour des conseils pratiques sur la prise en charge d’un tel patient (spécificité du suivi pédiatrique, des soins infirmiers à domicile, doute sur une interaction médicamenteuse…).

Vous trouverez quelques conseils sur cette page. Visitez également la page espace pluridisciplinaire pour consulter les spécificités des différents professionnels impliqués dans la prise en charge de la pathologie hémorragique.

Premiers gestes aux urgences

Devant toute manifestation clinique, notamment devant toute douleur, toujours envisager un saignement !

Écoutez le patient qui connait généralement bien sa pathologie et les procédures à mettre en place grâce une éducation thérapeutique (ETP) soutenue.

Contactez le centre de suivi du patient afin de savoir si la correction du déficit en facteur de coagulation est nécessaire et quelles en sont les modalités.

Correction du déficit de la coagulation parfois avant confirmation du saignement

les explorations biologiques ou paracliniques ne doivent pas retarder le traitement.
Le traitement consiste généralement à injecter le facteur de coagulation déficitaire. D’autres traitements sont parfois proposés (desmopressine, plasma frais congelé…) : voir le traitement d’urgence mentionné sur la carte du patient et contacter le centre du patient.
Les patients ont parfois des traitements d’urgence à domicile. Les apporter aux urgences permet de raccourcir le délai du traitement d’urgence.

Traumatisme crânien, abdominal, vertébral, polytraumatisés => traitement immédiat avant toute imagerie.

Recherche d'un saignement avec les examens cliniques et paracliniques adaptés

Toujours rechercher une anémie et/ou une carence martiale.
En cas de suspicion de saignement occulte (anémie +/- syndrome inflammatoire) : rechercher un saignement intracrânien ou un saignement abdominal
Scanner cérébral en cas de suspicion de saignement intracrânien. Mauvaise sensibilité de l’échographie transfontanellaire. Rechercher un hématome du psoas en cas de douleur de la fosse iliaque.
Chez l’adulte : réaliser rapidement une endoscopie en cas de saignement digestif.

RICE - Rest Ice Compression Elevation

Repos : mise en décharge, immobilisation et surélévation d’un membre, alitement en cas d’hématurie
Ice : le froid provoque la vasoconstriction et diminue le saignement, il a également un effet antalgique (glaçage d’un hématome ou d’une articulation, bain de bouche à l’eau glacée en cas de saignement ORL…)
Compression manuelle prolongée et bandage semi-compressif des plaies et des points de ponction, bandage des hématomes, compression/méchage des epistaxis…

Traitement antifibrinolytique (acide tranexamique)

Indiqué pour la plupart des saignements muqueux (epistaxis, gingivorragies, saignements digestifs ou gynécologiques) sauf en cas d’hématurie.
En ampoule buvable (1g) ou en comprimés (500mg) ou intra-veineux.
1g toutes les 6 à 8 heures au-delà de 50 kg (20mg/kg/jour chez l’enfant), à adapter en cas d’insuffisance rénale.
Action locale possible en application sur une compresse.

Prise en charge de la douleur

Froid : glaçage d’un hématome, d’une articulation douloureuse.
Antalgiques.
Anti-inflammatoires : corticoïdes pendant quelques jours (1 mg/kg) ou anti-Cox 2 en l’absence de contre-indication, mais pas d’AINS.

Quelques cas spécifiques :

En cas d’hématurie, aliter le patient et mettre en place une hyperhydratation. Pas de traitement anti-fibrinolytique en raison du risque obstructif par caillotage. Ne pas utiliser la desmopressine.
En cas de fracture, pas de plâtre circulaire (risque de syndrome des loges)
Pas de ponction d’un épanchement hémorragique (articulaire ou autre) ou de manœuvre d’évacuation ou embolisation d’hématome sans correction préalable de l’hémostase.

Précautions standards

Eviter au maximum les gestes invasifs ou traumatiques

Abord veineux périphérique en priorité (ni abord central, ni intramusculaire, ni abord artériel sans correction de l’hémostase).
Comprimer les points de ponction veineuses manuellement 10 minutes puis avec une bande semi-compressive, y compris en cas d’échec de prélèvement ou d’injection.
Certains gestes paraissant anodins ne peuvent être réalisés sans une correction préalable de l’hémostase : sondage, biopsie, ponction, infiltration, endoscopie… Contactez un spécialiste pour connaître les modalités de traitements adaptés.
Les contentions circulaires sont contre-indiquées surtout s’il y a un risque d’hématome.

Médicaments

Préférer les médicaments par voie orale.

Tous les médicaments pouvant aggraver le risque hémorragique comme les antiagrégants plaquettaires, les anticoagulants mais aussi les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont déconseillés. Ainsi, en cas d’indication à un traitement antiagrégant plaquettaire ou anticoagulant, une discussion préalable avec le médecin du centre spécialisé est nécessaire.

Vaccinations

Le schéma vaccinal doit être à jour et les vaccinations peuvent être faites en dehors du milieu hospitaliser. Les vaccins contre les hépatites sont fortement recommandées en raison du risque d’exposition aux produits sanguins labiles. Vacciner de préférence sur la face externe du bras ou de la cuisse : localisation permettant d’assurer une compression efficace à l’aide d’une bande ; le site redouté du fait des risques d’hématome et de compression est la fesse.

En milieu extrahospitalier

Médecins traitants

Les patients atteints d’hémophilie ou autre déficit en protéines de la coagulation doivent avoir un suivi régulier chez un médecin traitant pour les soins habituels, la prévention, la prise en charge des facteurs de risques cardio-vasculaires etc. La tension artérielle doit notamment être contrôlée pour diminuer le risque d’hémorragie intra cérébrale.

Il est important de surveiller régulièrement l’hémoglobine ainsi que le bilan ferrique et de supplémenter les carences martiales même en l’absence d’anémie.

Vous pouvez prescrire des traitements anti-fibrinolytiques à domicile pour les patients ayant des saignements muqueux réguliers ou à risque de récidive (saignements digestifs, saignements gynécologiques abondants, épistaxis, gingivorragies…).

La prise en charge à 100% en ALD doit être mise à jour régulièrement.

Et pour les vaccinations ?

Vous trouverez plus d’informations dans les PNDS hémophilie et PNDS déficits rares de la coagulation.

Gynécologues/sages-femmes

Les femmes ayant des troubles de la coagulation peuvent avoir des règles abondantes.

La prise en charge doit se faire conjointement avec le médecin du centre spécialisé. Le contrôle des saignements repose sur un traitement hormonal associé à un traitement anti-fibrinolytique et éventuellement un traitement spécifique du déficit en protéine de la coagulation.

Se reporter au guide « Prise en charge gynécologique des femmes atteintes d’une maladie de l’hémostase » édité par l’AFH.

La ménarche peut être particulièrement hémorragique chez ces patientes et peut révéler la pathologie. Si la pathologie est connue, il faut rassurer la patiente et la préparer en amont :

Lui apprendre à quantifier l’abondance des règles (Score de Higham)
Donner une ordonnance pour un traitement anti-fibrinolytique.
Prescrire une surveillance de l’hémoglobine à la demande.
Contacter sans attendre le gynécologue/médecin du centre spécialisé en cas de saignement non contrôlé.

Informer également les patientes que le premier rapport sexuel peut également être hémorragique.

En cas de grossesse ou de désir de grossesse, il faut que la patiente contacte le centre où elle est suivie avant ou dès le début de la grossesse pour un conseil génétique et l’évaluation du risque hémorragique à l’accouchement.

De même, une femme sans anomalie de coagulation mais ayant des antécédents familiaux de maladie hémorragique constitutionnelle doit bénéficier d’une consultation dans un centre spécialisé avant ou dès le début de la grossesse (« Trouver un centre près de chez vous »).

Pour l’accouchement, un protocole de soin adapté sera mis en place notamment pour éviter un saignement chez la mère (hémorragie de la délivrance, saignement du post-partum) et/ou chez l’enfant. Le choix de la maternité sera conditionné par le type de pathologie de la mère et/ou le risque hémorragique pour l’enfant à venir (maternité de niveau 3 en cas de risque hémorragique important).

Pédiatres

Les pathologies hémorragiques ne doivent pas interférer avec le suivi classique d’un enfant. Ces pathologies ne sont a priori pas associées à des retards de développement ou des troubles de croissance. Alerter le centre de suivi du patient en cas de suspicion de manifestations hémorragiques non contrôlées : retard des acquisitions, déficit moteur, douleur à la mobilisation, changement de comportement.

Et pour les vaccinations ?

Chirurgiens/anesthésistes

En fonction de la chirurgie envisagée et de la pathologie du patient, un protocole de soin adapté est à demander auprès du centre où est suivi le patient ou du centre le plus proche (« Trouver un centre près de chez vous »). En cas d’urgence, il faudra contacter le numéro d’astreinte d’urgence pour obtenir une conduite à tenir.

Attention, certains gestes habituellement réalisés en ambulatoire nécessiteront chez ces patients une hospitalisation conventionnelle pour un traitement procoagulant plus ou moins prolongé et une surveillance clinico-biologique. Les séjours hospitaliers sont en général plus longs.

Le type d’anesthésie et d’analgésie seront également à discuter en fonction de la pathologie du patient.

Les complications infectieuses post opératoires sont plus fréquentes chez ces patients, les précautions d’asepsie doivent être renforcées.

Chirurgiens-dentistes

L’hygiène dentaire est primordiale chez les patients ayant une maladie hémorragique. D’une part l’inflammation créée par le tartre favorise les gingivorragies et d’autre part les extractions dentaires sont à risque de saignement.

Les soins dentaires et détartrages standards peuvent en général être réalisés au cabinet. Après des soins dentaires, bien promouvoir une alimentation froide et des bains de bouche à l’eau glacée. Les traitements anti-fibrinolytiques en ampoules buvables permettent une action locale et systémique en cas de saignement.

Les extractions dentaires nécessitent dans la majorité des cas une correction de l’hémostase, possiblement une hospitalisation et doivent donc être organisées avec le centre où est suivi le patient.

Les outils disponibles

La carte ou le carnet de maladie hémorragique contient des informations sur la maladie du patient et son traitement habituel.
Orphanet : fiches urgences
Guide « prise en charge des enfants atteints d’une maladie hémorragique » (Guide médecin) AFH
Guide « La prise en charge gynécologique des femmes atteintes d’une maladie de l’hémostase » Pathologies Gynécologiques Rares et AFH
PNDS hémophilie et PNDS déficits rares de la coagulation
Paramédicaux : consultez l’espace pluridisciplinaire pour lire les recommandations de vos pairs